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Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/76

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Depuis le jour où Pierre avait quitté sa mère,
Les jours avaient passé mornes et solitaires.
La pauvre femme était sans astre dans sa nuit,
Son front s’était plissé et son regard d’ennui
Se creusait chaque jour sous sa rouge paupière.
Le meunier, lui aussi, si solide naguère,
Se courbait vers le sol comme vers un tombeau.
Leur vie était rompue et pendait en lambeaux.

Avec empressement ils vinrent à Nadine
Et s’assirent près d’elle en la vaste cuisine.
Le meunier commença :
Le meunier commença :— Tu penses bien, dit-il,
Que c’est pour le garçon dont tu causas l’exil
Que nous t’avons mandée ?
Que nous t’avons mandée ?— Oui, dit la jeune fille.

— Tu nous vois, reprit-il, l’âge recroqueville
Nos vieux membres usés et la mort nous attend.
Avant qu’il soit trop tard nous voudrions pourtant
Revoir notre garçon. Il serait notre joie,
Notre soleil dans l’ombre immense qui nous noie !
Écoute-moi Nadine, oh ! si tu le voulais,
Si tu brisais ta chaîne, et si tu l’oubliais,
Il serait vite ici. Tu pourrais lui écrire
Que ton amour est mort et qu’il doit le proscrire ;
Que lui-même est volage et qu’il a pu mentir
Aux promesses qu’il fit et à ton souvenir.



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