Aller au contenu

Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

En voyant l’écriture où la main bien-aimée
Avait tracé les mots et l’avait parfumée.
Il lut : « Pardonne-moi, Pierre, car j’ai bien peur
De causer ta souffrance en causant mon malheur ;
Mais j’ai songé, vois-tu, qu’il faut que tu reviennes
Consoler tes parents, car leur vie est la tienne.
Ils sont vieux. Peux-tu les laisser mourir sans toi ?
Sans leur faire du moins l’obole de ta voix ?
Reviens ! Pour moi, je vais m’éloigner du village,
Tu pourras vivre en paix, oublier mon image
Et tu n’entendras plus parler de moi. Adieu ! »

De même que la foudre assène un coup furieux
Sur la cime des pins et les jette par terre,
De même, lourdement, bras tendus, croula Pierre.
Son front était plus pâle et ses cheveux plus noirs.
L’un était le matin et les autres le soir.
Il dormait dans l’oubli de toutes les souffrances
Tandis qu’autour de lui s’empressaient en silence
Tibert et Sécheret. Ils l’appuyaient au pied
D’un peuplier pensif dont le feuillage altier
Murmurait au soleil. Et, quittant leur ouvrage,
Les moissonneurs hâtifs venaient voir ce naufrage
Et d’un cœur de pitié ils le considéraient.

— En voilà une affaire ! expliqua Sécheret,
Il était amoureux, et voilà sa promise
Qui vous le plante là ! Est-ce chose permise ?


90