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massé… doine

Un bref exposé de certaines circonstances préliminaires et quelque bavardage — c’est un peu le privilège du narrateur — nous serviront de prologue pour orienter l’attention du lecteur.

Guyon avait fait partie de la caravane de ces Canadiens à l’humeur nomade et aventurière qui, vers le milieu du siècle dernier furent atteints de ce mal qui se manifeste périodiquement dans le peuple et exerce des ravages même chez nos paysans casaniers. Nous voulons parler de la fièvre de l’or. Nos gens toujours furent sujets à cette affection dont les symptômes les plus caractéristiques se manifestent par une soif inextinguible d’aventures (diagnostiquée, en certains cas, par la faculté : « auri sacra fames » et un appétit insatiable de vache enragée. Qu’on les appelle coureurs de bois, trappeurs, « raftmen », voyageurs, prospecteurs, leur pittoresque théorie défile tout le long de l’histoire de notre race et a valu à notre littérature naissante un fond fertile où le folk-lore a puisé une riche substance.

Guyon fut donc de ces chercheurs d’or qui, attirés par le mirage aguichant et lointain — a beau mentir qui vient de loin — coururent faire la chasse aux claims ou aux placers de la Californie. Quelques-uns y laissèrent leur vie, d’autres leur santé, la plupart leurs illusions. Quelques-uns en rapportèrent un peu d’or, un plus grand nombre, une hypertrophie de l’imagination qui compensait le vide de leur gousset. Dans aucun cas, la réalité n’a égalé le rêve, ce qui fait que tous en sont bien revenus… même ceux qui y crevèrent !

En 1866, Guyon était rentré au pays et vivait de ses rentes à Sainte-Cécile. Quel avait été le résultat de son pèlerinage au pays de l’or ? Il était plutôt réticent à ce sujet mais comme il s’était fait construire une fort belle maison, on affirmait qu’il avait frappé le filon.

Vivre de ses rentes ! Pour nos paysans astreints aux rudes et incessants travaux des champs, c’est la situation rêvée. Cela représente la considération pour sa personne, la sécurité pour