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MES SOUVENIRS

t-on pas dit alors ? — un sujet dangereux et immoral !…

Quelle leçon pour les jugements trop hâtifs !… Rentré à Fontainebleau après la sombre cérémonie des obsèques, j’essayai de me reprendre à la vie, en travaillant à ce Roi de Lahore qui m’occupait déjà depuis bien des mois.

L’été, cette année-là, fut particulièrement chaud et fatigant. J’en étais accablé à ce point qu’un jour où un formidable orage avait éclaté, je me sentis comme anéanti et me laissai aller au sommeil.

Si le corps cependant était ainsi assoupi, mon esprit, par contre, ne restait pas inactif : il sembla n’avoir cessé de travailler. Mes idées apparurent, en effet, avoir profité de cette accalmie involontaire imposée par la nature, pour se classer. J’avais entendu, comme en songe, mon troisième acte, le paradis d’Indra, joué sur la scène de l’Opéra !… L’impalpable audition en avait comme imprégné mon cerveau. Ce phénomène, je le vis, d’ailleurs, se renouveler en moi par la suite, à différentes reprises.

Je n’aurais jamais osé l’espérer. Je commençai, ce jour-là et les jours suivants, à écrire le brouillon instrumental de cette scène paradisiaque.

Je continuais, entre temps, à donner à Paris des leçons assez nombreuses. Elles étaient accablantes et bien énervantes également.

J’avais pris l’habitude depuis longtemps de me lever de bonne heure. Mes travaux me prenaient de quatre heures du matin à midi et mes leçons remplissaient les six heures de l’après-midi. Quant aux soirées, la plupart étaient consacrées aux parents de mes