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MES SOUVENIRS

Vous l’avouerai-je ? J’étais heureux et fier en même temps de m’asseoir sur cette chaise, dans cette même classe où, enfant, j’avais recules conseils et les leçons de mon maître. Mes élèves… je les considérais comme d’autres nouveaux enfants, plutôt encore comme des petits-enfants dans lesquels pénétrait cet enseignement reçu par moi et qui semblait filtrer à travers les souvenirs du maître vénéré qui me l’avait inculqué.

Les jeunes gens auxquels j’avais affaire semblaient presque de mon âge, et je leur disais, en manière d’encouragement, pour les exhorter au travail : « Vous n’avez qu’un camarade de plus, qui tâche d’être aussi bon élève que vous ! »

Il était touchant de voir la déférente affection que, depuis le premier jour, ils me témoignaient. Je me sentais tout heureux lorsque, parfois, je les surprenais dans leurs chuchotements, se racontant leurs impressions sur l’ouvrage joué la veille ou qui devait se jouer le lendemain. Cet ouvrage était, au début de mon professorat, le Roi de Lahore.

Je devais continuer à être ainsi, pendant dix-huit ans, l’ami et le « patron », ainsi qu’ils m’appelaient, d’un nombre considérable de jeunes compositeurs.

Qu’il me soit permis de rappeler, tant j’en éprouvais de joie, les succès qu’ils remportaient, chaque année, dans les concours de fugue, et combien cet enseignement me fut utile à moi-même. Il m’obligeait à être le plus habile à trouver rapidement, devant le devoir présenté, ce qu’il fallait faire selon les préceptes rigoureux de Cherubini.

Quelles douces émotions n’ai-je point ressenties pendant ces dix-huit années, où, presque annuelle-