Je pris place dans la salle des séances au fauteuil que j’occupe encore aujourd’hui. Cela remonte à plus de trente-trois ans déjà !
À quelques jours de là, je voulus profiter de mes privilèges pour assister à la réception de Renan, sous la coupole ; les huissiers de service ne méconnaissant pas encore, j’étais alors le Benjamin de l’Académie, ne voulurent pas me croire et refusèrent de me laisser pénétrer. Il fallut qu’un de mes confrères, et non le moindre, le prince Napoléon, qui entrait en ce moment, me fît connaître.
J’étais en tournée de visites habituelles de remerciements, lorsque je me présentai chez Ernest Reyer, dans son appartement si pittoresque de la rue de la Tour-d’Auvergne. Ce fut lui qui m’ouvrit la porte, tout surpris de se trouver en face de moi, qui devais savoir qu’il ne m’avait pas été tout à fait favorable. « Je sais, lui fis-je, que vous n’avez pas voté pour moi. Ce qui me touche, c’est que vous n’avez pas été contre moi ! » Ces mots mirent Reyer de bonne humeur, car aussitôt il me dit : « Je déjeune ; partagez avec moi mes œufs sur le plat ! » J’acceptai et nous causâmes longuement de tout ce qui intéressait l’art et ses manifestations.
Pendant plus de trente ans, Ernest Reyer fut mon meilleur et plus solide ami.
L’Institut, ainsi qu’on pourrait le croire, ne modifia pas sensiblement ma situation. Elle resta d’autant plus difficile que, désirant avancer la partition d’Hérodiade, je supprimai plusieurs leçons qui comptaient au nombre de mes plus sûres ressources.