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MES SOUVENIRS
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rue. Mes pensées étaient terriblement noires… La mine soucieuse et le cœur défaillant, j’allais, déplorant ces décevantes promesses qu’en façon d’eau bénite de cour me donnaient les directeurs… Soudain, je fus salué, puis arrêté, par une personne en laquelle je reconnus M. Calabrési, directeur du Théâtre-Royal de la Monnaie, à Bruxelles.

Je restai interloqué. Allais-je devoir le mettre, lui aussi, dans la collection des directeurs qui me montraient visage de bois ?

— Je sais (dit en m’abordant M. Calabrési) que vous avez un grand ouvrage : Hérodiade. Si vous voulez me le donner, je le monte, tout de suite, au Théâtre de la Monnaie.

— Mais vous ne le connaissez pas ? lui dis-je.

— Je ne me permettrais pas de vous demander, à vous, une audition.

— Eh bien ! moi, répliquai-je aussitôt, cette audition, je vous l’inflige.

— Mais… demain matin, je repars pour Bruxelles.

— À ce soir, alors ! ripostai-je. Je vous attendrai à huit heures dans le magasin d’Hartmann. Ce sera fermé à cette heure-là… nous y serons seuls.

Tout rayonnant, j’accourus chez mon éditeur et lui racontai, riant, pleurant, ce qui venait de m’arriver !

Un piano fut immédiatement apporté chez Hartmann, tandis que Paul Milliet était prévenu en toute hâte.

Alphonse de Rothschild, mon confrère à l’Académie des Beaux-Arts, sachant que je devais me rendre très souvent à Bruxelles, pour les répétitions d’Héro-