vailler chez mon éditeur. Elle fut, en fait, ma première Manon.
À cette époque, on jouait, aux Nouveautés, un des gros succès de Charles Lecocq. Mon grand ami, le marquis de La Valette, un Parisien de Paris, m’y avait entraîné un soir. Mlle Vaillant — plus tard Mme Vaillant-Couturier — la charmante artiste dont je viens de parler, y tenait adorablement le premier rôle. Elle m’intéressa grandement ; elle avait aussi, à mes yeux, une ressemblance étonnante avec une jeune fleuriste du boulevard des Capucines. Sans avoir jamais parlé (proh pudor ! ) à cette délicieuse jeune fille, sa vue m’avait obsédé, son souvenir m’avait accompagné : c’était bien la Manon que j’avais vue, que je voyais sans cesse devant moi en travaillant !
Emballé par la ravissante artiste des Nouveautés, je demandai à parlera l’aimable directeur du théâtre, à cet homme à la nature franche et ouverte, à l’incomparable artiste qu’était Brasseur.
— Illustre maître, fit-il en m’abordant, quel bon vent vous amène ? Vous êtes ici chez vous, vous le savez !…
— Je viens vous demander de me céder Mlle Vaillant, pour un opéra nouveau…
— Cher monsieur, ce que vous désirez est impossible ; Mlle Vaillant m’est nécessaire. Je ne puis vous l’accorder.
— Pour de bon ?
— Absolument ; mais, j’y pense, si vous voulez écrire un ouvrage pour mon théâtre, je vous donnerai cette artiste. Est-ce convenu, bibi ?