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MES SOUVENIRS

J’appris donc, comme toujours, le poème par cœur. Je voulais l’avoir sans cesse présent à la pensée, sans être obligé d’en garder le texte en poche et pouvoir ainsi y travailler hors de chez moi, dans la rue, dans le monde, à dîner, au théâtre, partout enfin où j’en aurais eu le loisir. Je m’arrache difficilement à un travail, surtout lorsque je m’en sens empoigné, comme c’était le cas.

Je me souviens, tout en travaillant, que d’Ennery m’avait confié quelque temps auparavant un livret important et que j’y avais trouvé au cinquième acte une situation fort émouvante. Si cela ne m’avait pas paru suffisant cependant pour me déterminer à écrire la musique de ce poème, j’avais le grand désir de conserver cette situation. Je m’en ouvris au célèbre dramaturge et j’obtins de lui qu’il consentît à me donner cette scène pour l’intercaler dans le deuxième acte du Cid. D’Ennery entra ainsi dans notre collaboration. Cette scène est celle où Chimène découvre en Rodrigue le meurtrier de son père.

Quelques jours après, en lisant le romancero de Guilhem de Castro, j’y prenais un épisode qui devint le tableau de l’apparition consolante au Cid éploré, au deuxième tableau du troisième acte. J’en avais été directement inspiré par l’apparition de Jésus à saint Julien l’Hospitalier.

Je continuai mon travail du Cid, là où je me trouvais, suivant que les représentations de Manon me retenaient dans les théâtres de province où elles alternaient avec celle d’Hérodiade, données en France et à l’étranger.

Ce fut à Marseille, à l’hôtel Beauvau, pendant un