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MES SOUVENIRS
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assez long séjour que j’y fis, que j’écrivis le ballet du Cid.

J’étais si confortablement installé dans la chambre que j’occupais et dont les grandes fenêtres à balustrade donnaient sur le vieux port ! J’y jouissais d’un coup d’œil absolument féerique. Cette chambre était ornée de lambris et de trumeaux remarquables et comme j’exprimais mon étonnement au propriétaire de l’hôtel de les voir si bien conservés, il m’apprit que la chambre était l’objet d’un soin tout particulier, car elle rappelait que Paganini, puis Alfred de Musset et George Sand y avaient autrefois vécu. Ce que peut le culte du souvenir allant parfois jusqu’au fétichisme !

On était au printemps. Ma chambre était embaumée par des gerbes d’œillets que m’envoyaient, chaque jour, des amis de Marseille. Quand je dis « des amis », le terme n’est pas suffisant ; peut-être faudrait-il avoir recours aux mathématiques pour en obtenir la racine carrée, et encore ?

Les amis, à Marseille, débordent de prévenances, d’attentions, de gentillesses sans fin. N’est-ce pas le pays, ô beau et doux opéra ! où l’on sucre son café en le mettant à l’air, sur son balcon, la mer étant de miel ?…

Avant de quitter la bien hospitalière cité phocéenne, j’y avais reçu des directeurs de l’Opéra, Ritt et Gailhard, cette lettre :

« Mon cher ami,

« Voulez-vous prendre jour et heure pour votre lecture du Cid ?

« Amitié.

« E. Ritt. »