Aller au contenu

Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MES SOUVENIRS
155

de nous rendre en Hongrie, à des fêtes qu’ils se proposaient de donner en notre honneur, n’est donc point pour surprendre.

Par une belle soirée d’août, nous partîmes vers les rives du Danube, en caravane joyeuse. François Coppée, Léo Delibes, Georges Clairin, les docteurs Pozzi et Albert Robin, beaucoup d’autres camarades et amis charmants, en étaient. Quelques journalistes y figuraient aussi. À notre tête, comme pour nous présider, par le droit de l’âge tout au moins, sinon par celui de la renommée, se trouvait Ferdinand de Lesseps. Notre illustre compatriote avait alors bien près de quatre-vingts ans. Il portait si allègrement le poids des années que, pour un peu, on l’eût pris pour l’un des plus jeunes d’entre nous.

Le départ eut lieu au milieu des élans de la plus débordante gaieté. Le voyage lui-même ne fut qu’une suite ininterrompue de lazzis, de propos de la plus franche belle humeur, semés de farces et de plaisanteries sans fin.

Le wagon-restaurant nous avait été réservé. Nous ne le quittâmes pas de toute la nuit, si bien que notre sleeping-car resta absolument inoccupé.

En traversant Munich, l’Express-Orient avait fait un arrêt de cinq minutes pour déposer dans cette ville deux voyageurs, un monsieur et une dame, qui, nous ne savons comment, avaient trouvé moyen de se caser dans un coin du dining-car, et avaient assisté impassibles, à toutes nos folies. Ils firent, en descendant du train, avec un assez fort accent étranger, cette réflexion d’un tour piquant : « Ces gens distingués sont bien communs ! »N’en déplaise à ce couple