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MES SOUVENIRS

Paris. Manon qui, depuis lors, ne devait plus quitter l’affiche et qui, au moment où j’écris ces lignes, en est à sa 763e représentation.

Au commencement de cette même année, on avait joué Werther, à Vienne, et un ballet : le Carillon. Les collaborateurs applaudis en étaient notre Des Grieux et notre Werther allemand : Ernest Van Dyck et de Roddaz.

Ce fut en rentrant d’un nouveau séjour que j’avais fait à Vienne, que mon fidèle et précieux collaborateur Louis Gallet vint un jour me rendre visite au Ménestrel. Mes affectueux éditeurs m’y avaient aménagé un superbe cabinet de travail où je pouvais faire répéter leurs rôles à mes artistes de Paris comme de partout. Louis Gallet et Heugel me proposèrent un ouvrage sur l’admirable roman d’Anatole France, Thaïs.

La séduction fut rapide, complète. Dans le rôle de Thaïs, je voyais Sanderson. Elle appartenait à l’Opéra-Comique, je ferais donc l’ouvrage pour ce théâtre.

À peine le printemps me permit-il de partir pour la mer, aux bords de laquelle il m’a toujours plu de vivre, que j’abandonnai Paris avec ma femme et ma fille, emportant avec moi tout ce qu’avec tant de bonheur j’avais déjà composé de l’ouvrage.

J’emmenai un ami qui ni jour ni nuit ne me quittait, un énorme chat angora gris, au poil long et soyeux.

Je travaillais assis à une grande table placée devant une véranda contre laquelle les vagues de la mer, se développant parfois avec impétuosité, venaient se briser en écume. Le chat posé sur ma table, couché