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Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/224

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MES SOUVENIRS

vant la musique de Sapho, pièce lyrique en 5 actes. Henri Cain et le cher Arthur Bernède en avaient très habilement construit le poème.

Jamais, jusqu’alors, les répétitions d’un ouvrage ne m’avaient paru plus séduisantes.

Ô les excellents artistes ! Avec eux, quelle besogne douce et agréable !

Pendant ces répétitions se succédant avec tant d’agrément, nous étions, ma femme et moi, allés dîner un soir, chez Alphonse Daudet, qui nous affectionnait tant.

Les premières épreuves avaient été déposées sur le piano.

Je vois encore Daudet, assis très bas sur un coussin et effleurant presque le clavier de sa jolie tête si capricieusement encadrée par sa belle et opulente chevelure. Il me paraissait tout ému. Le vague de sa myopie rendait plus admirables encore ses yeux à travers lesquels parlait son âme, faite de pure et attendrissante poésie.

Il serait difficile de retrouver des instants pareils à ceux que ma femme et moi connûmes alors.

Danbé, mon ami d’enfance, au moment où allait avoir lieu la première répétition de Sapho, avait dit aux musiciens de l’orchestre l’émouvant ouvrage qu’ils allaient avoir à exécuter.

Enfin, la première eut lieu le 27 novembre 1897.

La soirée dut être fort belle, car le lendemain la poste, à sa première distribution, m’apporta le billet suivant :