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MES SOUVENIRS
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« Mon cher Massenet,
« Je suis heureux de votre grand succès.
« Avec Massenet et Bizet, non omnis moriar.
« Tendrement à vous.


« Alphonse Daudet. »


J’appris que mon bien-aimé ami et collaborateur célèbre avait assisté à la première représentation dans le fond d’une baignoire, alors qu’il ne sortait déjà plus ou très rarement.

Sa présence à la représentation me touchait donc davantage encore.

Un soir que je m’étais décidé à me rendre au théâtre, dans les coulisses, la physionomie de Carvalho me frappa. Lui si alerte et qui portait si beau, il était tout courbé, et l’on pouvait voir derrière des lunettes bleues ses yeux tout congestionnés. Sa bonne humeur et sa gentillesse à mon égard ne l’avaient cependant pas quitté.

Son état ne laissa pas que de m’inquiéter.

Combien étaient fondés mes tristes pressentiments !

Mon pauvre directeur devait mourir le surlendemain.

Presque au même moment, je devais apprendre que Daudet, lui dont l’existence avait été si admirablement remplie, entendait sa dernière heure sonner à l’horloge du temps. Ô la mystérieuse et implacable horloge ! J’en ressentis un coup des plus pénibles.

Le convoi de Carvalho fut suivi par une foule considérable. Son fils qui éclatait en sanglots, derrière