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MES SOUVENIRS

le char funèbre, faisait peine à voir. Tout était douloureux et navrant dans ce triste et impressionnant cortège.

Les obsèques de Daudet furent célébrées en grande pompe, à Sainte-Clotilde. La Solitude de Sapho (entr’acte du 5e acte) fut exécutée pendant le service, après les chants du Dies iræ.

J’avais dû me frayer un passage, presque de vive force, à travers la foule, tant elle était grande, pour pénétrer dans l’église. C’était comme un reflet avide et empressé de cette longue théorie d’admirateurs et d’amis qu’il avait possédés dans sa vie.

Lorsque je jetai l’eau bénite sur le cercueil, je me rappelai ma dernière visite rue de Bellechasse, où demeurait Daudet. En lui donnant des nouvelles du théâtre, je lui avais apporté des branches d’eucalyptus, un des arbres de ce Midi qu’il adorait. Je savais quel bonheur intime cela lui valait.

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Sapho, entre temps, poursuivait sa carrière. Je partis pour Saint-Raphaël, ce pays que Carvalho aimait tant habiter.

Je comptais sur l’appartement que j’y avais retenu, lorsque le propriétaire de l’hôtel me dit qu’il avait dû le louer à deux dames très affairées.

J’allais me chercher un autre logis, lorsque je fus rappelé. J’appris que les deux dames qui devaient prendre ma place étaient Emma Calvé et une de ses amies. Ces dames, en entendant sans doute prononcer mon nom, avaient brusquement changé d’itinéraire. Leur présence, toutefois, dans cette région assez éloignée de Paris, me montrait que notre Sapho