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MES SOUVENIRS
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centième, et je puis ajouter qu’au moment où j’écris ces lignes le Jongleur de Notre-Dame est au répertoire des grands théâtres d’Amérique depuis plusieurs années.

Une particularité intéressante à signaler, c’est que le rôle du Jongleur fut créé au Metropolitan House par Mary Garden, l’étincelante artiste admirée à Paris comme aux États-Unis !

Mes sentiments sont un peu effarés, je l’avoue, de voir ce moine jeter le froc, après le spectacle, pour reprendre ensuite une élégante robe de la rue de la Paix. Toutefois, devant le triomphe de l’artiste, je m’incline et j’applaudis.

Ainsi que je l’ai dit, cet ouvrage attendait son heure, et, comme Carvalho m’avait autrefois engagé à écrire la musique de la pièce tant applaudie au Théâtre-Français, Grisélidis, d’Eugène Morand et Armand Silvestre, j’avais écrit cette partition, par intervalles, durant mes voyages dans le Midi et au Cap d’Antibes. Ah ! cet hôtel du cap d’Antibes ! Séjour unique, séjour à nul autre pareil ! C’était l’ancienne propriété créée par Villemessant, qu’il avait baptisée si justement et si heureusement Villa Soleil, et qu’il destinait aux journalistes accablés par la misère et par l’âge.

Représentez-vous, mes chers enfants, une grande villa aux murailles blanches, empourprée tout entière par les feux de ce clair et bon soleil du Midi, ayant pour ceinture merveilleuse un bois d’eucalyptus, de myrtes et de lauriers. L’on en descend par des allées ombreuses, imprégnées des parfums les plus suaves, vers la mer, cette mer qui, de la Côte d’Azur et de la