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MES SOUVENIRS

Riviera, le long des côtes dentelées de l’Italie, s’en va promener ses vagues transparentes jusqu’à l’antique Hellade, comme pour lui porter sur ses ondes azurées qui baignent la Provence le salut lointain de la cité phocéenne.

Qu’elle me plaisait, mes chers enfants, ma chambre ensoleillée ! Que vous eussiez été heureux de m’y voir travaillant dans le calme et la paix, en pleine jouissance d’une santé parfaite !

Ayant parlé de Grisélidis, j’ajouterai que, possédant deux ouvrages libres, celui-ci et le Jongleur de Notre-Dame, mon éditeur en entretint Albert Carré, dont le choix se porta sur Grisélidis. Ce fut le motif pour lequel, ainsi que je l’ai écrit plus haut, le Jongleur de Notre-Dame fut représenté à Monte-Carlo en 1902.

Grisélidis prit donc les devants, et cet ouvrage fut donné à l’Opéra-Comique, le 20 novembre 1901.

Mlle Lucienne Bréval en fit une création superbe. Le baryton Dufranne parut pour la première fois dans le rôle du marquis, mari de Grisélidis ; il obtint un succès éclatant dès son entrée en scène ; Fugère fut extraordinaire dans le rôle du Diable, et Maréchal tendrement amoureux dans celui d’Alain.

J’aimais beaucoup cette pièce. Tout m’en plaisait.

Elle faisait converger vers des sentiments si touchants la fière et chevaleresque allure du haut et puissant seigneur partant pour les croisades, l’aspect fantastique du diable vert, qu’on aurait dit échappé d’un vitrail de cathédrale médiévale, la simplicité du jeune Alain et la délicieuse petite figure de l’enfant de Grisélidis ! Nous avions pour ce grand personnage une petite fille de trois ans qui était le théâtre même.