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MES SOUVENIRS
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Le prince de Monaco, d’une si haute simplicité, voulut bien s’asseoir près d’un piano que j’avais fait venir pour la circonstance, et il écouta quelques passages de Thérèse. Il apprit de nous ce détail. Lors de la première lecture à notre créatrice, Lucy Arbell, en véritable artiste, m’arrêta comme j’étais en train de chanter la dernière scène, celle où Thérèse, en poussant un grand cri d’épouvante, aperçoit la terrible charrette emmenant son mari, André Thorel, à l’échafaud, et clame de toutes ses forces : « Vive le roi ! » pour être ainsi assurée de rejoindre son mari dans la mort. Ce fut à cet instant, dis-je, que notre interprète, violemment émue, m’arrêta et me fit, dans un élan de transport : « Jamais je ne pourrai chanter cette scène jusqu’au bout, car lorsque je reconnais mon mari, celui qui m’a donné son nom, qui a sauvé Armand, de Clerval, je dois perdre la voix. Je vous demande donc de déclamer toute la fin de la pièce. »

Les grands artistes, seuls, ont le don inné de ces mouvements instinctifs ; témoin Mme  Fidès-Devriès qui me demanda de refaire l’air de Chimène : « Pleurez mes yeux !… » Elle trouvait qu’elle n’y pensait qu’à son père mort, qu’elle oubliait trop son ami Rodrigue !

Un geste bien sincère aussi, fut trouvé par le ténor Talazac, créateur de Des Grieux. Il voulut ajouter : toi !… avant le vous ! qu’il lance en retrouvant Manon, dans le séminaire de Saint-Sulpice. Ce toi ! n’indiquait-il pas le premier cri de l’ancien amant, retrouvant sa maîtresse ?

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Les premières études de Thérèse eurent lieu dans