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MES SOUVENIRS
19

Le lendemain matin, ma mère recevait la lettre officielle. J’étais élève au Conservatoire !…

À cette époque, il y avait, dans cette grande école, deux professeurs de piano. Les classes préparatoires n’existaient pas encore. Ces deux maîtres étaient MM. Marmontel et Laurent. Je fus désigné pour la classe de ce dernier. J’y restai deux années, tout en continuant à suivre mes études classiques au collège, et en prenant part également aux cours de solfège de l’excellent M. Savard.

Mon professeur, M. Laurent, avait été premier prix de piano sous Louis XVIII ; il était devenu officier de cavalerie, mais avait quitté l’armée pour entrer comme professeur au Conservatoire royal de musique. Il était la bonté même, réalisant, on peut le dire, l’idéal de cette qualité dans le sens le plus absolu du mot. M. Laurent avait mis en moi sa plus entière confiance.

Quant à M. Savard, père d’un de mes anciens élèves, grand-prix de Rome, actuellement directeur du Conservatoire de Lyon (directeur de Conservatoire ! combien en puis-je compter, de mes anciens élèves, qui l’ont été ou qui le sont encore ?), quant à M. Savard père, il était bien l’érudit le plus extraordinaire.

Son cœur était à la hauteur de son savoir. Il me plaît de rappeler que lorsque je voulus travailler le contrepoint, avant d’entrer dans la classe de fugue et de composition, dont le professeur était Ambroise Thomas, M. Savard voulut bien m’admettre à recevoir de lui des leçons que j’allai prendre à son domicile. Tous les soirs, je descendais de Montmartre,