Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MES SOUVENIRS
279

suite, que ma demande n’était jamais parvenue à sa destination.

Parodi ! qu’il était bien le vir probus dicendi peritus des anciens ! Quels souvenirs j’ai gardés de nos promenades le long du boulevard des Batignolles, où je pensais que se trouvait toujours son ancienne demeure ! Avec quelle éloquence il narrait la vie des Vestales qu’il avait lue dans Ovide, leur grand historiographe !

J’écoutais avidement sa parole colorée, si enthousiaste des choses du passé. Ah ! que ses emportements contre tout ce qui n’était pas élévation dans les sentiments, noble fierté dans les intentions, dignité et simplicité dans la forme, que ces emportements, dis-je, étaient superbes et comme on sentait que son âme vibrait toujours dans l’au-delà ! Il semblait qu’une flamme la consumât, imprimant à ses joues le creux de ses tortures intérieures.

Je l’ai tant admiré et bien aimé ! Il me semble que notre collaboration n’est point finie, qu’un jour nous pourrons la reprendre ensemble, dans le mystérieux séjour où l’on va, mais d’où l’on ne revient jamais !

Fort déçu du silence qui avait suivi l’envoi de ma lettre, j’allais abandonner mon projet d’écrire Roma lorsque, dans ma vie, apparut un maître poète, Catulle Mendès. Il m’offrit cinq actes pour l’Opéra : Ariane ; je vous en ai déjà parlé.

Ce fut cinq ans après, en 1907, que mon ami Henri Cain vint me demander si j’avais l’intention de reprendre avec lui notre fidèle collaboration. Tout en causant avec moi, il remarqua que j’avais mes pensées ailleurs, qu’une autre idée me préoccu-