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MES SOUVENIRS

Avant de m’en aller dans le séjour éloigné que j’habite, j’avais écrit mes dernières volontés (un mari malheureux avait profité de cette occasion testamentaire pour écrire avec joie ces mots : Mes premières volontés).

J’avais surtout indiqué que je tenais à être inhumé à Égreville, près de la demeure familiale dans laquelle j’avais si longtemps vécu. Oh ! le bon cimetière ! En plein champ, dans un silence qui convient à ceux qui l’habitent.

J’avais demandé que l’on évitât de pendre à ma porte ces tentures noires, ornements usés par la clientèle. J’avais désiré qu’une voiture de circonstance me fît quitter Paris. Ce voyage, avec mon consentement, dès huit heures du matin.

Un journal du soir (peut-être deux) avait cru devoir informer ses lecteurs de mon décès. Quelques amis — j’en avais encore la veille — vinrent savoir, chez mon concierge, si le fait était exact, et lui de répondre : « Hélas ! Monsieur nous a quittés sans laisser son adresse. » Et sa réponse était vraie, puisqu’il ne savait pas où cette voiture obligeante m’emmenait.

À l’heure du déjeuner, quelques connaissances m’honorèrent, entre elles, de leurs condoléances, et même, dans la journée, par-ci, par-là, dans les théâtres, on parla de l’aventure :

— Maintenant qu’il est mort, on le jouera moins, n’est-ce pas ?

— Savez-vous qu’il a laissé encore un ouvrage ? Il ne finira donc pas de nous gêner !

— Ah ! ma foi, moi je l’aimais bien ! J’ai toujours eu tant de succès dans ses ouvrages !