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Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/50

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MES SOUVENIRS

C’était une première traversée que je supportai… presque convenablement, grâce à des oranges que je tenais constamment à la bouche en en exprimant le jus.

Nous arrivâmes enfin à Rome, par le chemin de fer de Civitta-Vecchia à la Ville Éternelle. C’était l’heure du dîner des pensionnaires. Ils furent fort interdits en nous voyant, car ils se faisaient une fête d’aller à la rencontre de notre voiture sur la voie Flaminienne.

L’accueil fut brusque. Un dîner spécial fut improvisé, qui commença les plaisanteries faites aux nouveaux, dits les affreux nouveaux.

En ma qualité de musicien, je fus chargé d’aller, une cloche à la main, sonner le dîner, en parcourant les nombreuses allées du jardin de la Villa Médicis, alors plongées dans la nuit. Ignorant les détours, je tombai dans un bassin. Naturellement, la cloche s’arrêta et les pensionnaires, qui écoutaient son tintement, se réjouissant de leur farce, eurent un rire inextinguible à l’arrêt soudain de la sonnette. Ils comprirent, et l’on vint me repêcher.

J’avais payé ma première dette, celle d’entrée à la Villa Médicis. La nuit devait amener d’autres brimades.

La salle à manger des pensionnaires, que je connus si agréable dès le lendemain, était transformée en un véritable repaire de bandits. Les domestiques, qui portaient habituellement la livrée verte de l’empereur, étaient costumés en moines, un tromblon en bandoulière et deux pistolets à la ceinture, le nez vermillonné et façonné par un sculpteur. La table en