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Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/57

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MES SOUVENIRS
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je suis souffrant… Ça passera… Il n’y a que ceux-là dans la maison ! » On devine que mon ami avait là un voisinage bien mal placé !

La plaisanterie dura jusqu’au jour et s’évanouit dès qu’il parut. Sa véritable chambre, admirablement située dans l’un des campaniles de la Villa, fut aussitôt rendue à Chaplain. Quels merveilleux envois il y exécuta durant son séjour !

Les fêtes du Carnaval venaient de se terminer à Rome avec leurs bacchanales endiablées. Sans avoir la réputation de celles de Venise, elles n’en avaient pas moins d’entrain. Elles se déroulaient dans un tout autre cadre, plus grandiose, sinon mieux approprié. Nous y avions participé dans un grand char construit par les architectes et décoré par les sculpteurs. La journée s’était passée à lancer des confetti et des fleurs à toutes les belles Romaines qui nous répondaient, du haut des balcons de leurs palais du Corso, avec des sourires adorables. Sûrement, Michelet, lorsqu’il composa sa brillante et poétique étude sur la Femme, pour faire suite à son livre sur l’Amour, dut avoir sous les yeux, en pensée, comme nous les eûmes, nous, en toute réalité sous les nôtres, ces types de rare, éclatante et si fascinatrice beauté.

Que de changements depuis, dans cette Rome d’alors, où l’abandon et la bonne humeur tenaient leurs délicieuses assises à l’état permanent ! Dans ce même Corso se promènent, aujourd’hui, les superbes régiments italiens, et les magasins qui s’y alignent appartiennent pour la plupart à des commerçants allemands.

Ô Progrès, que voilà bien de tes coups !