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MES SOUVENIRS

Mais j’oublie que je vous livre mes Mémoires, mes chers enfants, et ne vous fais point mes confidences.

Au printemps suivant, la fête annuelle des pensionnaires eut lieu, comme de coutume, à Castel-Fusano, domaine de la Campagne de Rome, à trois kilomètres d’Ostie, au milieu d’une magnifique forêt de pins-parasols, percée d’une allée de chênes-verts de toute beauté. J’emportai un souvenir si agréable de cette journée que je conseillai à ma fiancée et à sa famille de connaître cet endroit incomparable.

Là, dans cette splendide avenue, toute pavée de dalles antiques, je me rappelai l’histoire décrite par Gaston Boissier dans ses Promenades archéologiques de Nisus et d’Euryale, ces malheureux jeunes gens qui furent aperçus, pour leur perte, de Volcens, arrivant de Laurente pour amener à Turnus une partie de ses troupes.

La pensée que je devais, au mois de décembre, quitter la Villa Médicis pour retourner en France, mes deux ans de séjour étant terminés, mettait en moi une indéfinissable tristesse.

Je voulus revoir Venise. J’y restai deux mois, pendant lesquels je jetai les brouillons de ma Première Suite d’orchestre.

Le soir, lorsqu’en fermant le port, les trompettes autrichiennes sonnaient des notes si étranges et si belles, je les notais. Je m’en servis vingt-cinq ans plus tard, au quatrième acte du Cid.

Le 17 décembre, mes camarades me firent leurs adieux, non seulement pendant le dernier triste dîner à notre grande table, mais encore à la gare, dans la soirée.