Aller au contenu

Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
MES SOUVENIRS

point de la lui envoyer. Je la lui expédiai la même semaine.

J’ai un plaisir extrême à rendre hommage à Pasdeloup. Non seulement il m’aida généreusement dans cette circonstance, mais il a été le créateur génial des premiers concerts populaires, aidant ainsi puissamment à faire connaître la musique et à assurer son triomphe en dehors du théâtre.

Rue des Martyrs, un jour de pluie (la pluie toujours ! Paris, en vérité, n’est pas l’Italie !), je rencontrai un de mes confrères, violoncelle à l’orchestre Pasdeloup. Tout en devisant avec lui, il me dit : « Nous avons lu, ce matin, une suite d’orchestre bien remarquable. Nous aurions voulu savoir le nom de l’auteur, mais il n’est pas sur les parties d’orchestre. »

À ces paroles, je bondis. J’y étais doublement excité. S’agissait-il, d’abord, d’une autre musique que la mienne, ou bien était-il question de moi ?

— Et dans cette suite, dis-je avec élan à mon interlocuteur, y a-t-il une fugue ? une marche ? un nocturne ?…

— Exactement, me répondit-il.

— Mais alors, fis-je, c’est ma suite !…

Je courus rue Laffitte et, comme un fou, je remontai mes cinq étages, raconter l’aventure à ma femme et à sa mère.

Pasdeloup ne m’avait aucunement prévenu.

Je vis ma première suite d’orchestre affichée sur le programme pour le surlendemain, dimanche.

Que faire pour entendre ce que j’avais écrit ?

Je me payai une troisième et je m’écoutai, perdu dans cette foule compacte, comme il y avait tous