Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/242

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les lois des peuples sont vaines, comme dit l’Esprit-Saint : Quia leges populorum vanœ sunt (Jerem. C. 10, v. 3) ; que Jésus-Christ nous a laissé des règles auxquelles ni les temps, ni les siècles, ni les mœurs ne sauraient jamais rien changer ; que le ciel et la terre passeront ; que les mœurs et les usages changeront ; mais que ces règles divines seront toujours les mêmes.

On se contente de regarder autour de soi : on ne pense pas que ce qu’on appelle aujourd’hui usage, était des singularités monstrueuses avant que les mœurs des chrétiens eussent dégénéré ; et que si la corruption a depuis gagné, les dérèglements, pour avoir perdu leur singularité, n’ont pas pour cela perdu leur malice : on ne voit pas que nous serons jugés sur l’Évangile, et non sur l’usage ; sur les exemples des saints, et non sur les opinions des hommes ; que les coutumes qui ne se sont établies parmi les fidèles qu’avec l’affaiblissement de la foi, sont des abus dont il faut gémir, et non des modèles à suivre ; qu’en changeant les mœurs, elles n’ont pas changé les devoirs ; que l’exemple commun qui les autorise, prouve seulement que la vertu est rare, mais non pas que le désordre est permis : en un mot, que la piété et la vie chrétienne sont trop amères à la nature, pour être jamais le parti du plus grand nombre.

Venez nous dire maintenant que vous ne faites que ce que font tous les autres ; c’est justement pour cela que vous vous damnez. Quoi ! le plus terrible préjugé de votre condamnation deviendrait le seul motif de votre confiance ! Quelle est dans l’Écriture la voie qui conduit à la mort ? N’est-ce pas celle où marche le grand nombre ? Quel est le parti des réprouvés ? N’est-ce pas la multitude ? Vous ne faites que ce que font les autres ? mais ainsi périrent, du temps de Noé, tous ceux qui furent ensevelis sous les eaux du déluge ; du temps de Nabuchodonosor, tous ceux qui se prosternèrent devant la statue sacrilège ; du temps d’Élie, tous ceux qui fléchirent le genou devant Baal ; du temps d’Eléazar tous ceux qui abandonnèrent la loi de leurs pères. Vous ne faites que ce que font les