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Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/636

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bre de nos victoires augmente celui de nos ennemis ; et plus nos ennemis augmentent, plus nos victoires se multiplient. L’Escaut, le Rhin, le Pô, le Ther, n’opposent qu’une faible digue à la rapidité de nos conquêtes. Toute l’Europe se ligue, et ses forces réunies ne servent qu’à montrer la supériorité des nôtres ; les mauvais succès irritent nos ennemis sans les désarmer ; leurs défaites, qui doivent finir la guerre, l’éternisent ; tant de sang déjà répandu nourrit les haines, loin de les éteindre ; les traités de paix ne sont que comme l’appareil d’une nouvelle guerre. Munster, Nimègue, Ryswick, où toute la sagesse de l’Europe assemblée promettait de si beaux jours, ne forment que des éclairs qui annoncent de nouveaux orages : les situations changent, et nos prospérités continuent. La monarchie n’avait pas encore vu des jours si brillants : elle s’était relevée autrefois de ses malheurs ; elle a pensé périr et écrouler sous le poids de sa propre gloire.

La terre toute seule ne semblait pas même suffire à nos triomphes : la mer encore gémissait sous le nombre et sous la grandeur énorme de nos navires. Nos flottes, qui suffisaient à peine, sous les derniers règnes, pour mettre nos côtes à couvert de l’insulte des pirates, portaient partout au loin la terreur et la victoire. Les ennemis, attaqués jusque dans leurs ports, avaient paru céder à l’étendard de la France l’empire des deux mers. La Sicile, la Manche, les îles du nouveau monde, avaient vu leurs ondes rougies par les défaites les plus sanglantes. Et l’Afrique même, encore fière d’avoir vu autrefois échouer sur ses côtes la valeur de saint Louis et toute la puissance de Charles-Quint, ne trouvant plus d’asile sous ses remparts foudroyés, avait été obligée de venir s’humilier, et d’en chercher un au pied du trône de Louis.

Nous nous élevions de tant de prospérités, et nous ne savions pas que l’orgueil des empires est toujours le premier signal de leur décadence.

Telle fut la grandeur de Louis dans la guerre. Jamais la France n’avait mis sur pied des armées si formidables ; jamais l’art militaire, c’est-à-dire l’art funeste d’apprendre aux hommes à s’exterminer les uns les autres, n’avait été poussé si loin ; jamais tant de généraux fameux ; et, pour ne parler que de ces premiers temps, un Condé, dont le premier coup d’œil décidait toujours de la victoire ; un Turenne, qui, plus tardif en apparence, n’en était que