Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/641

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avec votre gloire[1] ! mais la gloire appartenait à Louis, et l’abus qu’on en a fait a été notre seul ouvrage. Ainsi éclatait au loin la grandeur et la réputation de la France, tandis qu’au dedans elle s’affaiblissait par ses propres avantages.

Je ne rappelle ici qu’une partie des merveilles dont vous avez été témoins. Tout ce qui fait la grandeur des empires se trouvait réuni autour de Louis. Des ministres sages et habiles, ressource des peuples et des rois ; nos frontières reculées, et qui semblaient éloigner de nous la guerre pour toujours ; des forteresses inaccessibles élevées de toutes parts, et qui paraissaient plus destinées à menacer les États voisins qu’à mettre nos États à couvert ; l’Espagne, forcée de nous céder, par un acte solennel, la préséance qu’elle nous avait jusque-là disputée ; Rome même désavouer, par un monument public, le droit des gens violé, et l’outrage fait à une couronne de qui elle tient sa splendeur et la vaste étendue de son patrimoine : enfin, le souverain lui-même d’une république florissante, descendre de son trône d’où ses prédécesseurs n’étaient pas encore descendus, quitter ses citoyens et sa patrie, et venir mettre les marques fastueuses de sa dignité aux pieds de Louis, pour fléchir sa clémence.

Grands événements qui nous attiraient la jalousie bien plus que l’admiration de l’Europe ! Et des événements qui font tant de jaloux peuvent bien embellir l’histoire d’un règne, mais ils n’assurent jamais le bonheur d’un État.

Que manquait-il, dans ces temps heureux, à la gloire de Louis ? Arbitre de la paix et de la guerre ; maître de l’Europe ; formant presque avec la même autorité les décisions des cours étrangères que celles de ses propres conseils ; trouvant dans l’amour de ses sujets des ressources qui, en tarissant leurs biens, ne pouvaient épuiser leur zèle ; conservant sur les princes issus de son sang, signalés par mille victoires, un pouvoir aussi absolu que sur le reste de ses sujets ; voyant autour de son trône les enfants de ses enfants, le père d’une nombreuse postérité, le patriarche, pour ainsi dire, de la famille royale, et élevant tout à la fois sous ses yeux les successeurs des trois règnes suivants. Jamais la succession royale n’avait paru plus affermie. Nous voyions croître au pied du trône les rois de nos enfants et de nos neveux. Hélas ! à

  1. Osée, c.  4, v.  7.