Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/642

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peine en reste-t-il un pour nous-mêmes, et il n’est demeuré qu’une étincelle dans Israël. Mais ne hâtons pas ces tristes images, que la constance de Louis doit nous ramener dans la suite de ce discours.

Que ces jours de deuil paraissaient loin de nous en ce jour brillant où nous donnions des rois à nos voisins, et où l’Espagne même, qui depuis si longtemps usurpait une de nos couronnes, vint mettre toutes les siennes sur la tête d’un des petits-fils de Louis !

Ce fut ce grand jour qu’il parut, comme un nouveau Charlemagne, établissant ses enfants souverains dans l’Europe ; voyant son trône environné de rois sortis de son sang, réunissant encore une fois, sous la race auguste des Francs, les peuples et les nations ; faisant mouvoir du fond de son palais les ressorts de tant de royaumes ; et devenu le centre et le lien de deux vastes monarchies, dont les intérêts avaient semblé jusque-là aussi incompatibles que les humeurs.

Jour mémorable ! il est vrai, vous ne serez écrit sur nos fastes qu’avec le sang de tant de Français que vous avez fait verser : les malheurs que vous prépariez nous ont rendu cette gloire triste et amère : vos dons éclatants, en flattant notre vanité, ont humilié et pensé renverser notre puissance. L’Espagne ennemie n’avait pu nous nuire : l’Espagne alliée nous a accablés : nos disgrâces seront éternellement gravées autour de la couronne qu’elle a mise sur la tête d’un de nos princes. Mais si la Castille a vu notre joie modérée par nos pertes, elle ne verra jamais notre estime pour sa valeur et sa fidélité, et notre reconnaissance pour son choix, affaiblie.

J’avoue, mes frères, que la gloire des événements qui embellit un règne est souvent étrangère au souverain : les rois ne sont grands que par les vertus qui leur sont propres : leurs succès les plus éclatants peuvent ne couvrir que des qualités fort obscures, et prouver qu’ils sont bien servis, plutôt que dignes de commander.

Mais ici nous ne craignons pas de dépouiller Louis de tout cet éclat qui l’environnait, et de vous le montrer lui-même. Quelle sagesse et quel usage des affaires ! L’Europe redoutait la supériorité de ses conseils autant que celle de ses armes : ses ministres étudiaient sous lui l’art de gouverner ; sa longue expérience mûrissait leur jeunesse, et assurait leurs lumières ; les négociations, conduites par l’habileté, réussissaient toujours par le secret. Quel