Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/643

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bonheur la réputation seule du gouvernement ne promettait-elle pas à la France, si nous eussions su nous contenter de la gloire et de la sagesse ? Tous les rois voisins qui, en naissant, avaient trouvé Louis déjà vieilli sur le trône, se fussent regardés comme les enfants et les pupilles d’un si grand roi : il n’eut pas été leur vainqueur ; mais il était assez grand pour mépriser les triomphes[1] ; et il eût été leur tuteur et leur père.

De ce fonds de sagesse sortait la majesté répandue sur sa personne ; la vie la plus privée ne le vit jamais un moment oublier la gravité et les bienséances de la dignité royale ; jamais roi ne sut mieux que lui soutenir le caractère majestueux de la souveraineté. Quelle grandeur, quand les ministres des rois venaient au pied de son trône ! quelle précision dans ses paroles ! quelle majesté dans ses réponses ! nous les recueillions comme les maximes de la sagesse ; jaloux que son silence nous dérobât trop souvent des trésors qui étaient à nous ; et, s’il m’est permis de le dire, qu’il ménageât trop ses paroles à des sujets qui lui prodiguaient leur sang et leur tendresse.

Cependant, vous le savez, cette majesté n’avait rien de farouche : un abord charmant, quand il voulait se laisser approcher ; un art d’assaisonner les grâces, qui touchait plus que les grâces mêmes ; une politesse de discours qui trouvait toujours à placer ce qu’on aimait le plus à entendre. Nous en sortions transportés, et nous regrettions des moments que sa solitude et ses occupations rendaient tous les jours plus rares. Nation fidèle, nous aimons de tout temps à voir nos rois, et les rois gagnent toujours à se montrer à une nation qui les aime.

Et quel roi y aurait plus gagné que Louis ? Vous pouvez le dire ici à ma place, anciens et illustres sujets occupés autour de sa personne. Au milieu de vous ce n’était plus ce grand roi, la terreur de l’Europe, et dont nos yeux pouvaient à peine soutenir la majesté ; c’était un maître humain, facile, bienfaisant, affable : l’éclat qui l’environnait le dérobait à nos regards ; nous ne voyions que sa gloire, et vous voyiez toutes ses vertus.

Un fonds d’honneur, de droiture, de probité, de vérités, qualités si essentielles aux rois, et si rares pourtant même parmi les

  1. Jam Cæsar tantus erat, ut posset triumphos contemnere. Flor.