Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/646

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rare, dans les princes surtout, que rien ne contraint, et en qui l’inconstance de l’imagination est sans cesse réveillée par le choix et la multiplicité des ressources.

La piété et la bonne foi des dispositions répondait à l’exactitude des devoirs. Quelle profonde religion au pied des autels ! Avec quel respect venait-il courber devant la gloire du sanctuaire cette tête qui portait pour ainsi dire l’univers, et que l’âge, la majesté, les victoires, rendaient encore moins auguste que la piété ! Quelle terreur en approchant des mystères saints, et de cette viande céleste, qui fait les délices des rois ! Quelle attention à la parole de vie ! et, malgré les dégoûts et les censures d’une cour éclairée et difficile, quel respect pour la sainte liberté du ministère et pour les défauts mêmes du ministre ! « Il nous en a dit assez pour nous « corriger, » répondait-il à ceux de sa cour qui paraissaient mécontents de l’instruction. Quelle tendresse de conscience ! quelle horreur pour les plus légères transgressions ! Tout le bien qui lui fut montré, il l’aima ; et s’il n’accomplit pas toute justice, c’est qu’elle ne lui fut pas toute connue. C’est la destinée des meilleurs rois ; c’est le malheur du rang plutôt que le vice de la personne.

Mais l’épreuve la moins équivoque d’une vertu solide, c’est l’adversité. Et quels coups, ô mon Dieu ! ne prépariez-vous pas à sa constance ! Ce grand roi, que la victoire avait suivi dès le berceau, et qui comptait ses prospérités par les jours de son règne : ce roi, dont les entreprises toutes seules annonçaient toujours le succès, et qui jusque là, n’ayant jamais trouvé d’obstacle, n’avait eu qu’à se défier de ses propres désirs ; ce roi, dont tant d’éloges et de trophées publics avaient immortalisé les conquêtes, et qui n’avait jamais eu à craindre que les écueils qui naissent du sein même de la louange et de la gloire ; ce roi, si longtemps maitre des événements, les voit, par une révolution subite, tous tournés contre lui. Les ennemis prennent notre place : ils n’ont qu’à se montrer, la victoire se montre avec eux ; leurs propres succès les étonnent ; la valeur de nos troupes a semblé passer dans leur camp ; le nombre prodigieux de nos armées en facilite la déroute ; la diversité des lieux ne fait que diversifier nos malheurs ; tant de champs fameux de nos victoires sont surpris de servir de théâtre à nos défaites ; le peuple est consterné ; la capitale est menacée ; la misère et la mortalité semblent se joindre aux ennemis : tous les