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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

reur, levé de bon matin, faisait quelques tours dans le jardin ; il déjeunait à dix heures et se promenait encore. Puis Las Cases lui lisait ce qui avait été dicté la veille et, dès le matin, recopié par le jeune Las Cases ; l’Empereur dictait alors de nouveau, cela le menait jusqu’à cinq heures, où il sortait ; à six heures, le dîner arrivait de la ville. Les soirées étaient pénibles, Las Cases ne jouant ni aux échecs, ni au piquet, et six heures de conversation, précédant six heures de dictée, ayant épuisé les sujets. L’Empereur, parfois, restait à table, faisait apporter son butin, guère plus volumineux que son bagage de lieutenant d’artillerie, montrait les tabatières, les portraits, les médailles et en tirait des histoires ; mais, très souvent, ayant besoin de se distraire un peu, d’échapper à cette attention de Las Cases qui, constamment éveillée, recueillait tous ses mots, las de ne parler que pour l’Histoire, il allait passer la soirée à la maison Balcombe, où il jouait au whist avec la mère et les petites quand le père avait la goutte. On n’y prétendait point au langage des Cours, et les questions très sottes étaient souvent indiscrètes et d’ordinaire saugrenues, mais au moins l’arc se détendait, Las Cases était mécontent ; il y perdait son temps et n’attrapait plus d’anecdotes, car il ne se contentait pas des dictées, qui étaient pour l’Histoire et étaient du sévère, il remplissait les intervalles avec des récits, des confidences qui lui fournissaient la chronique et