Page:Matthieu - Aman, 1589.djvu/13

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Tu seras fait semblable à un arbre, qui riche
En ses thresors fleuris par la faveur non chiche
Du celeste aumosnier, mais qui (triste malheur(110)
Par les rudes efforts d’un Aquilon voleur
Qui l’honneur luy ravit) void hors de la poictrine
De sa mere nourrice exposer sa racine,
Luy desrobe la vie, et par grand cruauté
Le prive en un moment de toute sa beauté : (115)
Ainsi se dissouldra ton arrogance folle
Comme un songe fuyard qui sans cesse s’envolle.
Et toy mere marastre, ô paillarde Cité,
Qui tout le plus grand heur de ta felicité
As fondé vainement aux profanes usages (120)
Des pompes et des fards de tes filles mal sages,
Pour autant, ce dit Dieu, que leur cueur eslevé
Trop rogues elles ont dans l’orgueil abrevé,
Qu’elles ont imprimé leurs superbes demarches
Sur une terre saincte, et l’or de leurs plumaches (125)
Au dessus de leur front eshontément planté,
Que d’un œil piafard, volage et éventé,
Que d’un col empoullé de fierté temeraire,
Elles mesprisent tant leur Pere debonnaire,
Leur vengeur, leur sauveur, leur juge tout-puissant, (130)
J’auray en la rigueur de mon bras purissant,
Et d’elles et de toy les erreurs excessives,
Je briseray l’orgueil de tes filles lascives,
Comme un fresle cristal, non d’un trop rude choc
Jetté par un despit se brise contre un roc. (135)
Las ! c’est bien ce qu’on dit, que la terre frissonne
En terre et vil sablon, mais qu’avare elle donne
D’un flanc chiche la pouldre où se moissonne l’or,
Peu suivent aujourd’huy des vertus le thresor.
Adieu saincte vertu, tu n’as plus rien en Perse,
Ton indomptable Fort en la Cour se renverse.