Page:Matthieu - Aman, 1589.djvu/25

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Puisque tu rends autant tes douces influences
Aux bons comme aux meschans, et qu’or’ en toutes pars
Je voy communement tes beaux presens espars,
Je veux sortir des gons de la raison humaine, (435)
Et suivre le vouloir où mon desir me meine.
Je veux changer mes yeux en deux ardens brandons
Ma bouche grondera d’Autan comme bourdons,
Mon courroux bouillira et mon cœur, mon cœur mesme,
En ce siege Royal rendra ma face blesme : (440)
Tout ainsi que lon voit un torrent fluctueux
Ondoyer sur les prés d’un mont precipiteux,
Je feray flo-floter une juste cholere,
On verra à mes flancs Alecton et Megere :
Pour eviter le coup de ce fouldroyant bras, (445)
On trouvera petit et Caucase et Athlas.
A tous seray terreur, et n’y aura personne
Qui ne soit estonné, qui de peur ne frissonne
On verra de mon fiel le fuzil affilé
Sur Perse, et sur Isac de Carran exilé : (450)
Je monstreray combien est foible la puissance
Du temeraire pied, qui contre moy s’avance.

LES PRINCES.

Prince soucy du ciel, quel subit troublement
Vous rend en telle rage, et nous en tremblement ?
Quel esclair font ces yeux qui noz yeux esblouissent ? (455)
Quelles sœurs de la nuit de vos vouloirs jouissent ?
Quand là sus on entend le tonnerre gronder,
Pour ruiner les tours, et les murs desfonder,
Nostre œil ne le peut veoir, ni moins l’haleine iree,
De Coré, ou de Sut, ou du venteux Boree : (460)
Mais on sçait bien apres par ses efforts divers,
Qu’elle a fait fracasser l’honneur des arbres vers :
Ainsi nous voyons bien que vostre cœur bruslant