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Entouré de mourants, notre vaillant guerrier,
Sous d’innombrables traits va succomber lui-même…
Ah ! comment se soustraire à ce péril extrême ?…
Mais le Seigneur, sur lui, veille du haut des cieux ;
Il mande en cet instant un ange radieux,
Cet ange qu’ici-bas il chargea de défendre
Les jours de Godefroid dès l’âge le plus tendre :
« Pars, vole, lui dit-il, protége ce croisé,
» Près des murs de Sion, sous les coups écrasé. »
S’élançant aussitôt de l’éternelle sphère,
L’envoyé du Très-Haut prend son vol vers la terre ;
Esprit pur, invisible aux regards des humains,
Il tient un bouclier dans ses puissantes mains.
Du camp des assiégés part la flèche perfide
Qui va frapper Bouillon ; mais de sa sainte égide,
Le ministre divin le couvre tout entier,
Et le trait, amorti, tombe aux pieds du guerrier.
Telle, dans les rochers de l’aride Libye,
La lionne, en voyant étendus et sans vie,
Les jeunes lionceaux que chérissait son cœur,
Et que vient de frapper la balle du chasseur,
En son sein maternel sent gémir la nature ;
Puis, à l’aspect du sang coulant de leur blessure,
Elle bondit de rage et s’élance soudain
Vers le chasseur tremblant qui veut la fuir en vain :
Tel, le sensible chef, sous les murs de Solymes,
Quand il voit expirer ses compagnons sublimes,
Sent redoubler alors sa généreuse ardeur ;
Parmi les ennemis il répand la terreur…
Qu’aperçois-je ?… Dans l’air le feu grégeois scintille,
Sur la tour de Bouillon en s’élançant il brille ;
Il s’allume, il s’attache à ses lianes entr’ouverts ;
Le vent impétueux qui soulève les mers,
Souffle, siffle soudain, attise l’incendie,
Qui s’élève, étincelle et gronde avec furie ;
De flamme et de fumée un épais tourbillon,
D’un cercle redoutable enveloppe Bouillon.
Tout à coup, du sommet de sa tour qui s’affaisse,
Sur le mur qui s’écroule un large pont s’abaisse ;