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Les abondants tributs de la riche Amérique ;
Un phare, en épanchant sa lueur sur les flots,
Y montre, dans la nuit, l’écueil aux matelots ;
Lorsque l’astre éclatant qui le jour nous éclaire,
Verse sur les moissons sa féconde lumière,
En ces lieux le malade accourt de tout côté,
Aux bains rafraîchissants demander la santé :
C’est là, sur le galet, que notre auguste Reine,
D’un pas mal assuré lentement se promène ;
Elle est blessée au cœur depuis que le Français,
De son généreux père oubliant les bienfaits,
Du Louvre tout à coup envahit le portique,
Et brisa sans regrets son sceptre pacifique ;
Pendant huit jours d’angoisse, un glaive de douleur
De sa pieuse fille a transpercé le cœur.
Rien souvent elle va, pensive, sur la grève,
D’un bonheur envolé se rappeler le rêve ;
Chemine à ses côtés le chagrin soucieux.
Parfois, en s’arrêtant, elle cherche des yeux,
Vers les brumeux contours d’une lointaine plage,
Les débris dispersés d’un illustre naufrage ;
De son père elle y voit les restes vénérés,
Qu’entourent une reine et ses fils éplorés,
Ses fils, tristes jouets d’une ingrate fortune…
Elle veut repousser cette image importune ;
Mais son œil ne peut fuir ce funèbre tableau,
Et toujours elle voit se dresser un tombeau…

Tant de maux, cependant, ont vaincu la nature ;
Elle va succomber !… Sur sa douce figure
La sombre maladie et la main du malheur,
Hélas ! ont répandu la mortelle pâleur ;
Déjà de sa beauté se sont fanés les charmes ;
La renommée au loin pousse son cri d’alarmes,
Et le Belge éploré court au pied de l’autel
Offrir les vœux ardents qu’il forme à l’Éternel.

Que vois-je ! à l’horizon l’onde s’est enflammée,
Et dans l’air tourbillonne une épaisse fumée.