Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/109

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me vint à bout, en dix ans, du legs de la belle Polonaise, son admiratrice, c’est-à-dire dix millions de francs or, par son inlassable bonté, secourant les misérables, ceux qui affectaient de l’être, entretenant parasites et tapeurs professionnels, se faisant voler par tout son personnel, du portier au directeur… En Guyane, quelques mois auraient suffi !

Je rumine ces pensées amères cependant que, précautionneusement, la pirogue glisse entre les obstacles accumulés sur l’étroite rivière. Des passages, à certains endroits, facilitent la navigation ; ailleurs, il faut scier, couper, déposer les bagages sur la berge, couler volontairement la pirogue, la faire passer ainsi immergée sous des troncs énormes, la retourner, recharger…

Le soleil vite nous accable. Les piroguiers palabrent incessamment. Je sens où ils veulent en arriver. Ça ne manque pas :

— Patron… tu vois comme c’est dur…

— D’accord, mais le prix a été convenu.

— On fait ça par amour pour toi…

— Ta gueule !

Quels mendiants ! Pour l’un c’est une chemise — convoitée depuis le départ — l’autre, de la graisse d’arme, ; les deux une prime et des vivres…

Je suis intraitable. La marche s’en ressent. Il faut trois heures, m’a dit une villageoise noire de « La Grève », pour atteindre la crique Petit Inini. Nous mettons un jour. Comme incidemment, alors que je fais des photos ou prends des notes, la pirogue, à toute allure, frôle les berges et passe sous des troncs qui obligent à s’étendre au fond de l’embarcation pour ne pas avoir la figure écrasée. Plusieurs fois, je manque me faire prendre ainsi. Puis ce sont les branches, les lianes, les