Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/111

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sur un tumulus à quelques centimètres de la berge. La pirogue, qui va bonne allure, est stable ; à tout hasard je vise le serpent agouti ·derrière la tête pour ne pas l’abîmer si je le tue. Chance incroyable, alors qu’il nous regardait passer, branlant sa petite tête peu sympathique, il se présente de trois-quarts, je tire et, dévidant ses anneaux, le reptile coule doucement dans l’eau. Arrêt. On s’approche, on discute ; les piroguiers n’aiment pas ce spécimen qu’ils considèrent comme très dangereux et dont ils ont une sainte frousse. On dit le serpent agouti très venimeux. Il affectionne les aborde des rivières, faisant son lit de la nervure centrale des grandes palmes d’awara ou de feuilles de bananiers, aimant les fruits parfumés de la « Marie tambour » paniflore dont les reptiles en général sont friands.

Le serpent agouti est rouge brique avec des nuances délicates de brun chocolat ; il est long d’au moins un mètre soixante-dix, et son sang coule d’une petite blessure au-dessous de la tête, là où je désirais que la balle 22 long rifle le touchât et où, par un hasard miraculeux, elle a touché.

Il n’est pas tout à fait mort, à peine hors d’état de nuire ; ses anneaux ont des convulsions désagréables, mais ne voulant à aucun prix l’abîmer, je me garde bien de l’achever. Délicatement, avec deux branches je le saisis et le dépose à bord, dans une casserole… soudain, devenu rageur, il saute de la casserole et disparaît dans les bagages. En un clin d’œil, avec un ensemble par fait, nous plongeons tous les trois… fort embarrassés, puis nous apercevons l’animal glissant sur le bordage. L’achever ?… Non, ce n’était qu’un dernier sursaut d’agonie, il était trop gravement atteint pour nuire.