Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/132

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combien le courant violent est capable de culbuter un homme et son canot en quelques instants.

Je bande les muscles, rétablis la situation et trouve enfin des eaux plus calmes où je puis arrêter et écoper l’eau qui a envahi le canot et mouillé les bagages. Vers 4 h. c’est la halte. Je fais cuire quelques poignées de haricots, un viandox, arrime le hamac, débarque le bagages, fume une pipe.

C’est la nuit, je suis seul — cette fois, ça y est, j’y suis. — Et ça me fait tout de même un peu peur — première nuit seul en forêt, première étape d’un raid qui en comptera quelques centaines… un peu de cafard, c’est normal ; il s’agit de le surmonter les premiers jours. Après, ce sera la routine.

Mais c’est dur à surmonter ce soir, j’ai l’estomac serré et c’est Boby qui se tape la casserole de haricots. Quelques nausées ! Fièvre ? à tout hasard, je prends deux Novaquinese.

Une chanson revient qui parle de Paris. Je songe à la France. Je pense au retour… déjà !

Le premier jour, je me croyais fort. Tiens !… Je viens de penser à un échappatoire… Ça va mal !

Je m’enferre dans le cafard, j’ai peur maintenant de flancher. Ne pourrais-je écourter le raid, revenir vers Cayenne, vers la vie ?

Ah ! ce premier soir ! Mais non, je suis sûr que demain ça ira mieux. Certainement, voyons ! ça ira mieux ! Il pleut ; le feu, noyé, s’est éteint ; la forêt est pleine de cris d’oiseaux, de cris étranges qu’il me semble entendre, ce soir, pour la première fois et que je connais bien cependant.

La pluie tambourine sur la bâche du hamac tendu entre deux arbres moussus. Des « Plouf ! » dans l’eau,