Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/140

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Samedi 19 Novembre.

Les eaux gonflées roulent en un torrent impétueux. De l’eau jusqu’à la poitrine, je taille à la hache et au sabre les arbres couchés suivant la pente glaiseuse de la berge, perdant pied plus d’une fois et halant avec difficulté car les lianes accrochent l’arrière ou l’avant, menacent de raser les bagages ou bien, la coque racle une branche fichée au fond et le canot demeure en équilibre périlleux.

J’ai la désagréable sensation, m’accrochant aux racines d’un arbre tombé, de frôler un serpent lové dans un creux, qui, comme catapulté par quelque invisible ressort, plonge dans l’eau et nage vers l’autre berge. Miracle de n’avoir pas été mordu, comme miracle de n’avoir pas eu affaire à une raie ou à un aymara. (La vieille créole, sceptique, hier au soir m’a dit ; « Ou ka morché avec Dieu ! ».)

Deux heures après cet incident qui laisse la chair de poule, après avoir été arrêté longtemps par un « bistouri » aux eaux vives, j’aperçois Vitallo et ses carbets tout neufs. — Cinq créoles, les Boschs d’hier au soir, une dizaine de mineurs au chantier —. Ce sont des Saint-Luciens en majorité ; il n’y a que trois Français métropolitains, des Martiniquais et des Guadeloupéens.

Je m’aperçois que les véritables Guyanais sont rares chez les mineurs et un mineur anglais qui vient d’arriver m’explique avec amertume qu’il travaille l’or de puis quinze ans en Guyane, qu’il a quelques économies et qu’il voudrait retourner à Ste-Lucie, mais que les règlements ne lui autorisent la sortie que de quelques livres sterling !