Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/142

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Les Boschs ont chanté une partie de la nuit. Il a fait froid, il a plu… impossible de dormir.

Au petit matin, j’aperçois sur la branche d’un arbre tombé tout proche un iguane superbe. Sans me lever, la carabine étant à ma portée, je tire, il tombe et je le repêche aussitôt. Cuit avec du riz il me sert de petit déjeuner. C’est alors que je m’aperçois que mon canot a rompu ses amarres il va à la dérive ; je le rattrappe à la nage et le ramène ainsi sur plus de deux cents mètres — exercice matinal qui me met en forme —. Je calfate, répare… Demain le départ !

Et puis l’indicible tristesse des soirs m’accable à nouveau inexplicablement. Les Boschs palabrent, une tortue mijote, des crapauds buffles croassent, la flamme danse, les mineurs qui étaient venus pour la journée au dégrad sont repartis, le katouri chargé de vivres pour la semaine.

Une angoisse formidable me barre la poitrine ; ma gorge se s-erre, je sens parfois des larmes me brûler les yeux. Je sens que cette appréhension est la peur de la solitude à laquelle je me contrains. J’en viens à songer à ceux qui m’ont écrit au journal, se proposant comme compagnons de route.

Ah ! oui, un copain avec moi ce soir, fumer ensemble notre pipe comme dans les veillées routières.

Te souviens-tu, Marcassin ?

Je pensais que ce serait dur physiquement ! C’est terrible moralement. Moi qui pensais tenir sans faiblesse, qui avais envisagé toutes les hypothèses, jamais l’idée d’être cafardeux ne m’était venue.