Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/157

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lère. Le plat de couac se creuse en étoile à cinq branches, la plat de poisson se vide. — Dernières cuillerées. Andelma, qui nous tournait le dos, mangeant à part, sert l’eau dans un « couï » qui passe de main en main. On boit, on se rince la bouche avec bruit, on crache au loin avec force et on boit encore un peu (seulement à la fin du repas, d’ailleurs).

Entre les genoux ouverts de chacun il y a le petit tas d’arrêtes et d’os recrachés directement au sol et que les chiens reniflent à distance. On éructe fort, avec satis faction. Les ventres sont gonflés. Le pot à tabac circule et chacun prise un peu de jus formé de la macération de tabac et de cendre. On écrase les feuilles, on recueille le liquide noir dans la paume, on le hume en connaisseur, on y plonge le nez, on respire un bon coup : on attend… Le nez coule, on le pince, on s’essuie les mains aux jambes, on reste la tête un peu penchée, le nez toujours dégouttant, clignant les yeux de plaisir.

La vaisselle est placée dans la battée. On reste un peu autour du feu… ma pipe est froide !

— Si ibouié !

— Si ibouié !

Les crapauds buffles demandent la pluie. Il pleut ; les gouttes larges dégoulinent des feuilles, résonnent sur la bâche tendue. Boby grogne, se gratte ; je fais de même ; quelque fourmis prises à la couverture me chatouillent les ctusses. Ça pue aussitôt l’acide phénique — Une dernière pipe ; il fait frais, je ferme la moustiquaire, je rêve… puis le sommeil me prend ; alors, je pars pour de très longs voyages où les êtres qui me sont chers défilent et vivent, moi avec eux, comme une ombre — Et ce, jusqu’au matin. Lorsque, ouvrant les yeux à l’aube, je retrouve la forêt, la rivière, au travers de la moustiquaire