Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/177

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et vaut la peine d’être vécue lorsque le moral est bon.

Soudain, ce qui était hostile devient accueillant, la forêt est pleine de trésors que l’on aime à rechercher. Graine de panakoko, bois précieux, à profusion, que l’on apprend à reconnaître à l’odeur et à l’écorce. Une écharde d’ébène piquante à la chair vert-bronze-vieux que l’on s’amuse à tailler maladroitement, une liane franche que l’on tresse en corde solide, un oiseau-mouche à la gorge vert opale et au ventre violet — minuscule et curieux, tout surpris de nous voir — qui se pose sous votre nez, en l’air, comme suspendu par un fil, cependant que ses ailes, agitées à une allure vertigineuse, le maintiennent ainsi en équilibre. On tend la main pour le caresser tellement on le sent à la portée… Hop là, le voici parti comme une flèche, recommençant son jeu quelques mètres plus loin avec son bourdonnement de grosse mouche.

La course en forêt donne faim… Pas de couac ! qu’importe ! une lanière de poisson boucané que l’on grille à la flamme. C’est rêche, ça sent le brûlé et justement pour cela et parce qu’on le mange avec les doigts, assis sur une bûche devant un boucan, c’est bon ! Au torrent tout proche, on boit un couis d’eau fraîche et puis, dans le hamac qui balance, on fume une pipe, harassé, content, sans penser à rien sinon à ce que l’on va manger demain.

Vendredi 9 Décembre.

Les pieds vont mal, la dysenterie s’aggrave. Je me soigne de mon mieux, me couvrant de bandes et de sparadrap et forçant le stovarsol. Dans cet état, inutile de songer à prendre la piste. Je ne tiendrais pas trois kilomètres. Mieux vaut attendre et aller plus vite ensuite.