Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/187

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Il fait froid, c’est triste. Je fume sans arrêt. — Dysenterie à nouveau — bouche pâteuse, amère, je somnole, rêvant que je suis dans un transatlantique où il y a beaucoup de monde et <les gens qui servent à manger. Mais moi, je n’arrive à pas à apaiser ma fringale ; tantôt mon plat est renversé par le roulis, tantôt je suis appelé d’urgence et, au retour, un autre a mangé ma part ou bien je suis devant une assiette vide et l’on ne me sert pas. Il y a une assiette de pain à côté, mais je ne peux y toucher. Oh ! ces rêves…

L’aube, avec le chant horrifiant des « zozos mon père » me fait penser parfois être prisonnier dans une grande scierie et puis cet autre, avec sa voix enrouée de speaker radiophonique qui débite les dernières nouvelles cependant qu’une sirène d’alerte mugit quelque part.

Un peu de cafard, causé sans doute par la faim et pourtant, ce n’est que le commencement.

L’insomnie me tient toujours. Je me réveille la nuit vers 3 heures sans pouvoir fermer l’œil jusqu’à l’aube. Il est impossible de prendre la piste à l’aube ; la forêt trop sombre tarde à laisser pénétrer le jour radieux ailleurs. Pelotonné dans le hamac, frissonnant, j’attends la lumière.

Toute la nuit, les singes rouges ont glapi et, en réponse, le cri strident et ininterrompu d’un oiseau. J’étais tellement las que je me bouchais les oreilles.

Jeudi 15 Décembre.

Je pense parfois : « Mais quel intérêt aurait ce raid s’il devait s’accomplir sans ennuis, comme un voyage quelconque ». Volontairement je me suis imposé cette préparation à ma rencontre avec les Indiens