Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/198

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qui est d’une solidité à toute épreuve. Ça scie un peu les épaules mais en mettant la bâche roulée autour, ça peut aller. Le seul inconvénient est que l’on a chaud.

Sur le moment, ce nouvel ennui m’a rempli de désespoir et puis, tout de même, j’ai pensé qu’il ne servait à rien de se lamenter, qu’il fallait repartir. Je m’y suis mis, ça n’a pas duré longtemps. Ce sera plus pénible à porter car, le sac est un peu déséquilibré, mais je vais partir et je suis heureux d’avoir surmonté cette défaillance.

Rien à manger pour aujourd’hui ; peut-être la piste m’apportera-t-elle le pain quotidien, ne serait-ce qu’un minuscule « cul jaune » ou un cancan coriace : quelque chose enfin qui permette de tenir le coup et dire… J’ai mangé !

Dès le 420e pas, en fait de gibier, je trouve, étalé de toute sa remarquable longueur, un superbe serpent tout noir dont la petite tête dodeline cependant que, rapide, la langue entre, sort et s’agite. Je m’arrête pile, inter dit, pas très rassuré. Il s’arrête un instant puis, comme s’il ne m’avait pas vu, se met en branle à nouveau, se lève tout droit, glisse sur une branche tombée, se lève encore, se casse en deux avec souplesse, se hisse sur une branche haute· et ainsi, de branche en branche, grimpant toujours plus haut, il atteint le sommet de l’arbre où je le perds de vue.

Lorsqu’il m’eut ainsi livré passage, je continuai mon chemin mais, malgré moi, je ne peux plus que penser aux trous dans lesquels je fourre mes pieds, aux arbres morts que j’enjambe, aux racines dans lesquelles je m’empêtre et j’ai eu un petit frisson me rappelant soudain, alors que je n’y pensais plus, le danger des serpents venimeux aux espèces innombrables.