Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/202

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Dans le silence on ne perçoit que leur bourdonnement et puis la pluie qui, à grosses gouttes, écrase les feuilles. J’ai tendu la bâche pour recueillir l’eau du ciel, j’ai allumé un feu puis j’ai tendu le hamac, cependant qu’un pinot bout pour le repas du soir. C’est fade, écœurant, inconsistant et cependant je l’avale car ainsi j’ai l’impression d’avoir mangé.

Il y a une rumeur étrange ce soir dans la forêt, une rumeur qui vient avec la pluie et ressemble, au grondement d’une foule enthousiaste, délirante. Cette foule avance, brisant la forêt, se livrant un passage, scandant un mot d’ordre. Mais le cri du meneur est celui d’un oiseau de nuit, et le grondement de la foule, le crépitement continu de la pluie, mêlée au vent soufflant sur les hautes cimes.

J’ai vomi le « pinot ». Un peu de fièvre et je n’ai plus d’eau pour prendre la quinine. Il est nuit. La pluie a cessé et l’humidité qui stagne me glace. Enfin ! ça va mal ce soir ! — ça ira mieux demain.

Dimanche 18 Décembre.

Une soif ardente me dévore car j’ai la fièvre et la pluie de la nuit recueillie dans le quart passe vite dans mon gosier desséché. J’ai rêvé de manger toute la nuit mais je ne sens pas la faim, sinon de la faiblesse et celle-ci est telle ·que je n’ai pas la force de faire du feu, je m’essouffle pour replier le hamac et, pour charger le sac, je passe les bretelles assis, puis je me roule, me mets à genoux et je m’y prends à quatre ou cinq fois pour me relever, m’accrochant à un arbuste des deux mains.

Je chemine très lentement, la piste est mauvaise. Bouche amère, langue pâteuse, lèvres sèches, quelques étourdissements. Le camp n° 5 a été le cap de la faim