Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/203

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et celui-ci de la soif. Harassé, incapable de faire un pas de plus, je me laisse choir étendant avec peine le hamac.

Pas un seul criquot depuis ce matin, des lits à sec, des cailloux roulés, des pripris à sec… impossible de fumer, ça excite ma soif. Je mange un pinot amer comme le fiel. La forêt est toujours aussi étrangement vide, je me sens envahi par une sorte de fatalisme contre lequel je ne puis lutter. Baby, le ventre creux, les côtes saillantes, tire la langue et gémit. Pauvre chien, quelle fringale ! mais plus d’une fois il m’a fait rater un beaucoup de fusil, il lève Je gibier mais ne sait pas le rabattre, le poursuivant fort loin avec force aboiements et hors de ma portée.

Je ne sens pas tellement la faim mais surtout la faiblesse et puis la soif. Ça c’est atroce et inouï en même temps : avoir soif en forêt !

Lundi 19 Décembre.

Je me suis encore un peu traîné et, oh ! joie, je trouve une crique et un carbet de la mission Cottin. Je bois goulument, tends le hamac et me couche, incapable même d’allumer du feu.

Je maigris à vue d’œil, je ·sens mon cœur battre, je m’essoufle, je flageole sur mes jambes, le fusil lui-même est lourd à mon bras et j’ai du mal à ajuster la mire car je tremble. Je décide tout de même d’essayer de chasser. Je vais rester ici, reprendre quelques forces, ensuite seulement j’irai de l’avant.

Mauvais signe : je n’ai plus envie d’écrire. Je m’y efforce tout de même, c’est nécessaire à mon équilibre moral. Je ne songe à rien, je repose. J’ai mangé trois cœurs de pinot et la faim m’agripe toujours. Incapable d’avancer, Le repos me sert à rien, je me sens partir. Voulant abattre un pal-