Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/214

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que instant. L’humidité est telle que le viseur et l’objectif sont embués de manière permanente… Et dire qu’il y a de beaux clichés de forêt à faire par ici ! Ce que je redoutais est arrivé : malgré les soins constants dont il est l’objet, l’appareil est à peu près inutilisable.

Je connais maintenant tous les bruits de la forêt, tous les chants qui me sont devenus tellement familiers qu’à les entendre, ma pensée leur ajuste une image.

Je guette, toujours prêt à saisir la carabine et à suivre à la trace le pécari qui, grognant et aboyant, ouvrant sa coulée dans les broussailles, va patauger dans la boue d’un pripri, ou bien, épier l’arrivée d’une troupe de singes écumant les arbres, surprendre le hocco. — La « maraille » affamée grapillant le caumou ou se promenant par bandes toujours en alerte dans le sous-bois.

Je souris à l’oiseau-charpentier frappant de son bec un trou sonore, comme s’il demandait la permission de venir dans mon carbet.

Les dernières heures du jour donnent à tous ces bruits une ouateur mélancolique. La fumée du boucan, traînant dans les taillis, se mêle aux vapeurs fusant de l’humus.

Aras et perroquets regagnent l’arbre lointain qui leur sert de perchoir ; les perruches, à vol pressé et bruyant, les suivent. Les feuilles des épineux prennent des reflets métalliques. C’est l’heure où, l’action éteinte, reposant et rêvant, le feu chargé pour la nuit, la nostalgie m’envahit doucement, s’emparant de moi pour ne plus me lâcher, me transportant bien loin, vers eux deux, auxquels je songe constamment. Sans doute dorment-ils déjà ? Je vois ma petite chambre, notre salle à manger nette et intime où chaque jour nous