Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/217

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verture pliée et je fume. Le plafond se creuse, je le soulève et l’eau, cascade sur les côtés. Boby, dessous, s’agite, couché en rond sur mon chapeau de feutre. Le sac et le fusil sont recouverts de la bâche verte, à ma portée. Rien ne traîne, tout est en ordre. Je suis prêt au départ de demain. Je suis bien chez moi ; je voudrais le rendre encore plus intime et mettre quelques dessins au mur et au plafond mais ce n’est pas possible et j’en suis désolé. Je me sens tellement à l’abri des marches harassantes, des vampires qui volettent autour sans pouvoir y pénétrer, des mouches, des moustiques, de la forêt même…

C’est un peu ma boîte à cafard puisque j’y rêve…, bah ! tout passe… Parfois, un tendeur de mon hamac craque, je me retrouve par terre, les côtes endolories. Je le remplace bien vite, impatient de retrouver la quiétude à un mètre du sol, balançant doucement. Je colle du sparadrap sur les brèches du toit, je recouds le voile de la moustiquaire. Le feu de camp, avec son parapluie de feuillage, brille. Ça sent bon la fumée, ma peau s’en imprègne et je la renifle. Au fond, mes souvenirs sont faits de sens et d’odeurs encore plus que d’images, parce que chaque chose, chaque être a son parfum bien en propre. C’est l’odeur de la maison, de ma maison, celle du voisin, celle du parent, de la rédaction, du journal encore humide, de la pluie sur le bitume, du vent sur les platanes, du tramway grinçant sur ses rails, du métro… Et le rappel d’une odeur me fait souvenir de tas de choses ou de gens.

La pluie a cessé mais il pleut toujours à gouttes larges et lourdes qui cascadent, sans arrêt de feuilles en feuilles et n’en finissent plus.