Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/218

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Demain il faudra reprendre la route du camp de la tortue chercher la musette à munitions… cinq kilomètres aller, autant retour, de bois, de marécages. Je voudrais être à demain déjà ! Mes jambes se couvrent d’ulcères qui ne veulent plus guérir, chaque jour envenimées davantage par la flagellation constante des lianes au ras de terre, des arbustes et des herbes coupantes. Quoique solide, mon pantalon de parachutiste est en loques et c’est, à part un short, le seul, que je possède.

Il est pénible, lorsqu’on arrive de telles randonnées, de se mettre à tailler du bois, allumer du feu, plumer, vider, dépecer le gibier alors qu’il serait si bon de reposer aussitôt.

Même ayant très faim, l’épuisement parfois est tel que l’on reste indécis de longues minutes à ne savoir par quoi commencer. Il est vrai qu’il est encore plus pénible d’arriver affamé et de rester sur sa faim.

Mais je pense justement que cet effort constant est nécessaire pour former un caractère. La mollesse, le laisser-aller ne peuvent et ne doivent être que passagers car l’on est obligé, si l’on veut vivre, de se ressaisir, dominer sa paresse, même excusable par l’épuisement. Si on ne le fait pas, personne ne viendra le faire à votre place… Alors debout et au travail ! Quel merveilleux stimulant et qu’il est bon de ne reposer qu’ensuite, davantage fatigué, mais ayant fait ce qu’il y avait à faire.

La vie de brousse est nécessaire au jeune garçon car c’est le plus bel apprentissage à la vie de nos cités, étant une école d’énergie, d’action, d’initiative et de débrouillardise — vie dure, parfois pénible — mais qui apprend à ne jamais compter sur personne sinon sur soi-même pour arriver.